Willy Maltaite, plus connu sous le pseudonyme de Will, un tout grand nom de la BD est le président d'honneur de la 4 ème rencontre BD. Il sera bien sûr présent samedi et dimanche au Roeulx en compagnie de tous ses personnages, Tif, Tondu, Monsieur Choc, Isabelle...
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Quand vous étiez petit, rêviez-vous déjà de vous lancer dans la BD?
Absolument pas, mais quand j'étais petit, je dessinais...C'est comme cela que la BD m'est venue par après!
A quel âge avez-vous commencé la BD en tant que professionnel?
Je devais avoir 20, 21 ans...
Qui vous a donné l'envie de vous lancer dans la BD?
Quand j'étais jeune, comme je l'ai dit, je voulais dessiner. Je pensais d'ailleurs à la publicité car comme j'habitais la campagne, les journaux, les BD, on ne les connaissais pas bien à l'époque. J'ai eu la chance de rencontrer Jijé. On lui doit Jean Valhardi, Jerry Spring, Blondin et Cirage...avec qui j'ai beaucoup dessiné. Vint le moment où je dus gagner ma vie et il me dit "Vas-y! Fais de la BD". Voilà un peu comment j'ai commencé!
Quel est le premier personnage que vous avez créé?
Mon premier personnage était "José Baldovir". Ma première BD s'appelait "Le Mystère du Bambochal". Je l'ai d'ailleurs éditée moi-même avec l'aide d'un cousin imprimeur.
Monsieur Degré nous a parlé un peu de Jijé. Croyez-vous qu'il soit le maître de la BD? Si oui, pourquoi?
Je ne dirai pas que c'est le maître mais c'est, en tout cas, un des grands maîtres au même titre qu'Hergé. C'est ce qu'on appelle un chef de file, c'est-à-dire qu'il a créé, influencé toute une génération de dessinateurs.
Que vous a-t-il appris exactement?
Je crois qu'il m'a tout appris. En effet, lorsque je suis arrivé chez lui, je dessinais un peu comme tous les jeunes dessinent. Je n'avais aucune notion des proportions, des perspectives...Il m'a pris en main et a commencé à me dégrossir, à m'apprendre sérieusement les règles du dessin.
En quelle année avez-vous dessiné Tif et Tondu?
Cela doit être vers les années 48-49
En étiez-vous le premier dessinateur?
Non, non, le premier c'était Fernand Dineur. Il l'a créé juste avant la guerre puis les éditions Dupuis l'on repris après.
Pourquoi avoir donné le nom de "Choc" à Choc?
Ah ça, je ne sais pas. Je l'ai décidé en commun accord avec Rosy, mon scénariste de l'époque. La raison est sans doute que comme c'est un personnage surprenant, on a un "choc" quand on le voit!
Connaîtra-t-on un jour son identité?
Je crains fort que l'on ne la connaisse jamais!
En avez-vous une petite idée?
Je ne la dirais pas de toute façon. Ceci reste mon petit secret!
Si vous pouviez vous réincarner en héros de BD, choisiriez-vous Tif et Tondu?
Ni l'un, ni l'autre mais je choisirais plutôt M. Choc!
Pourquoi le préférez-vous?
C'est mieux...Il a un petit côté énigmatique!
Parmi tous les héros que vous dessinez, quel est votre préféré et pourquoi?
Ma préférée est quand même Isabelle mais j'aime aussi Calendula! Ils sont en fait tout à fait de moi. Voilà pourquoi je les préfère aux histoires de Tif et Tondu.
Pourquoi avoir arrêté les "Tif et Tondu"?
J'ai dessiné pendant 40 ans et après tout ce temps, on en a un peu marre. La grande raison, c'est la lassitude et l'envie de faire autre chose.
Comment est née Isabelle?
Au départ, Isabelle ne s'appelait pas Isabelle. Quand elle est née, j'avais envie de faire autre chose que Tif et Tondu. J'ai donc dessiné cette fille que j'ai appelée Catherine comme ma fille et je l'ai accompagnée d'un petit garçon. Je suis allé trouvé Yvan Delporte pour lui demander de créer une histoire avec mes deux personnages. Celle-ci est parue dans une numéro spécial de Pâques dans Spirou. Ensuite, avec Raymond Macherot et Yvan Delporte, on l'a reprise en une histoire plus classique en rebaptisant le personnage "Isabelle". Au 3 ème album, comme M. Dupuis n'était pas très enthousiaste, je l'ai abandonné jusqu'au moment où j'ai eu envie de le recommencer . J'ai donc demandé conseil à André Franquin qui m'a dit: "Ecoute, tu as un excellent personnage; il faut donc le reprendre. Je vais travailler pour toi, te créer des scénarios." Voilà comment cela s'est passé!
Aimez-vous des histoires de sorcelleries?
Oui, oui, évidemment puisque j'en dessine.
Depuis quand peignez-vous? Qu'est-ce qui vous donne envie de peindre au point de délaisser la BD malheureusement de plus en plus?
Je peins depuis longtemps en effet. Avant, c'était plus épisodique car la BD me prenait beaucoup de temps. Maintenant que je n'en fais plus, j'ai donc plus de temps à consacrer à la peinture.
Avez-vous des enfants? Ont-ils eux aussi l'envie de devenir dessinateurs?
Oui, j'ai quatre enfants...déjà âgés. L'aîné a 40 ans et est dessinateur. Les autres ont leur profession. Mon fils aîné Eric a fait pendant des années "421", une série avec des agents secrets et actuellement, il réalise beaucoup d'autres récits dans le journal Spirou. Il prépare quelque chose dans un avenir assez proche mais je ne sais pas exaactement quoi!
Dans le journal Spirou de Noël 97, votre fils a fait la même BD que vous, une histoire d'un petit serrurier. Est-ce voulu ou est-ce une erreur?
Mon fils habite l'Espagne. Un jour, il est revenu et me regardait dessiner le Petit Serrurier. Tout à coup, il me dit: "Mais j'ai dessiné ça aussi! En fait, Dupuis avait envoyé involontairement le même scénario à deux dessinateurs, alors il fallait trancher. Comme c'était difficile, les deux histoires ont été publiées. Cela a amusé énormément de gens car ils découvraient la personnalité du père... et du fils!
Est-ce vrai que vous avez arrêté définitivement la BD même si nous avons lu dernièrement une courte histoire de vous dans Spirou?
Définitivement, je ne dirai pas. Je dessine encore des petites choses pour des numéros spéciaux, des histoires courtes, mais plus de longs épisodes ni d'albums.
La BD ne vous manque-t-elle pas?
Non, non car je dessine quand même...Je fais encore des tas de choses.
Vous avez travaillé avec beaucoup de scénaristes. Nous ne les connaissons pas beaucoup sauf Y. Delporte. Pouvez-vous nous parler un peu de lui? Et même des autres?
On se connaît depuis 50 ans. Il a travaillé pour Isabelle et était aussi le rédacteur en chef de Spirou. C'était très bien car il était très fantaisiste et plein d'idées. Le journal était donc très vivant à l'époque. Dans le cas de Tillieux et Rosy, ils me faisaient des propositions surtout Rosy qui me disait: "Ecoute, j'ai une idée, j'aimerais faire ça ou ça." C'était toujours très amusant car Rosy est un conteur extraordinaire et, en lisant son scénario, on avait tout de suite envie de le dessiner...Il racontait tellement bien! Tillieux reprenait des scénarios (Félix) qui existaient déjà, qu'il arrangeait et qu'il développait, donc j'ai eu moins de surprises! Avec Desberg, c'était la même chose. Il me faisait une proposition que j'acceptais ou pas. Par contre, on travaillait comme avec Franquin et Yvan Delporte. Il venait à la maison avec son scénario; on faisait alors des découpages ensemble et des petits croquis. En fonction de ce qu'il me racontait, je créais la mise en page en la modifiant souvent. Un scénariste qui n'est pas dessinateur ne voit pas toujours les choses de la même façon...Il y a parfois des longueurs. On adaptait le tout; c'est d'ailleurs la façon idéale de faire des scénarios mais ce n'est pas toujours possible!
Pour notre salon BD, nous organisons un concours de dessin. Il consiste à imaginer le vrai visage de Choc. Allez-vous y participer?
Pourquoi pas! Il faudrait que je me creuse pour trouver une idée...Mais je ne veux pas du prix: les 45 albums de "Tif et Tondu" ça non!!! Une bonne Saint-Feuillien à la place...d'accord!!!
Propos recueillis par les BDporters de 6ème année de l'école de l'Ange gardien du Roeulx dans La Nouvelle Gazette du jeudi 12 mars 1998