J'ai eu la chance de le rencontrer à de multiples reprises mais en date du 24/11/97 et j'ai eu l'occasion de lui poser les questions suivantes:

Vous avez une actualité chargée: vous venez de fêter vos 70 ans, vous avez 2 expositions en cours, l'inauguration du mur Isabelle et Calendula s'achève à peine. Avez-vous envie de lever le pied ?

J'aimerais prendre des vacances mais l'agenda est chargé jusqu'aux fêtes.

Info ou intox : Il existe une histoire de Tif et Tondu révélant l'identité de Mr. Choc ?

Non, mais je caresse un projet avec Rosy d'une histoire de Monsieur Choc sans Tif et Tondu. Nous nous ferions tous deux assister lui au scénario et moi au dessin, il faut savoir que Rosy est très occupé.

Vous utilisez quelles techniques en peinture ?

Toutes mais principalement l'acrylique.

Avez-vous une palette de prédilection? Les bleus, la composition de la palette vient tout naturellement.

Pourquoi certaines de vos peintures sont signées Maltaite et d'autres Will?

J'ai commencé par signer mes peintures sous mon nom, mais de nombreuses personnes m'ont conseillé de signer Will, une signature plus connue du public et j'en ai même signée Will Maltaite.

Isabelle la rousse et Calendula la verte, ce sont des couleurs de cheveux originales et sauf erreur Isabelle était la première héroïne rousse. Comment s'est opéré ce choix ?

Je ne sais pas si c'était la première héroïne rousse mais le choix s'est fait en vue de typer le personnage et de donner du dynamisme et puis c'est mignon une petite fille rousse. Quant à Calendula, elle est issue d'un milieu aquatique.

L'élégance vestimentaire de vos personnages est constante : Le smoking de Mr. Choc, le foulard de l'Oncle Hermès, le noeud papillon de Tif, même habillés sports. Etant vous-même toujours élégant. C'est un trait de caractère qui ressort ?

En réponse, un grand éclat de rire qui fuse et en boutade : « Moi, mais je suis toujours dégueulasse ».

Je persiste en précisant que Madame  ne le laisserait pas sortir ainsi si c'était vrai.

Plus sérieusement, Will répond que le smoking de Choc, c'était voulu pour typer le personnage et de même pour l'Oncle Hermès qui porte aussi la cape quant à Tif, il ne se rappelle plus le pourquoi du noeud papillon.

Sur les 12 albums d'Isabelle, il n' y a qu'une seule planche en une illustration dans le Sortilège des Gâtines à la planche 24. Pourquoi n'y en a-t-il pas eu plus alors que c'est un procédé que vous avez utilisé tant pour le Jardin des Désirs (Pl. 27) et dans le dernier conte de l'Appel de l'Enfer (Pl. 17) ?

Il faut savoir que c'est Franquin qui faisait le découpage d'Isabelle et qu'il était coutumier des nombreuses images par planche.

A propos de vos cartes de voeux, à partir de quand en avez-vous envoyé à Hergé ?

Depuis mon entrée au Lombard jusqu'à la fin de la vie d'Hergé. J'étais d'ailleurs très étonné de voir dans la plaquette commémorative des 50 ans des Editions du Lombard que M. Leblanc les avaient conservées.

Il y a-t-il eu d'autres bénéficiaires de ces cartes originales? Oui, Jijé et quelques amis.

Pour en revenir à Jean Valhardi, vous avez déclaré avoir colorié certaines planches ?

C'était pendant la guerre, je me bornais simplement à mettre des indications sur papier calque et puis c'était le travail du photograveur et de l'imprimerie.

Wil avec un L paru dans Bravo à la fin des années 40, vous connaissez ? Non.

Au studio Léonardo, aviez-vous une coloriste attitrée? Pour Isabelle, c'était la femme de Léonardo en général.

Pour vos albums en couleur directe vous avez choisi d'utiliser 3 bandes alors que pour ceux faits au trait vous en avez utilisé 4. Pourquoi cette distinction ?

Je me sentais plus à l'aise avec des cases plus grandes pour la couleur directe mais on a pas fait de grandes images sans justification. Le découpage s'est fait en accord avec Desberg. Pour un scénariste qui n'est pas dessinateur, il est important qu'il ait la vision du dessin. Je m'occupais du choix des cadrages.

Si un scénariste de génie devait vous proposer un scénario sur mesure, il choisirait quelle époque, quelle saison, quels lieux et quels types de personnages ?

Le désert...

Madame interloquée : « Menteur, avec tous tes personnages ? »

Tout m'intéresse ou presque tout. Ce qui m'amuse, ce sont les femmes, les avions et les premières voitures. J'aurais dû faire une série avec les avions. Pour les saisons, j'aime bien l'été et l'hiver car la neige, il n'y a pas trop de couleur, c'est moins cher à réaliser !..lance-t-il avec une oeillade appuyée.

L'Appel de l'Enfer : on solde...le livre n'aurait pas marché en France ?

Madame : « Le livre a très bien marché, il n'y a qu'à voir les relevés ! »

Will : Je me suis rendu compte lors d'un festival au Mans que le prix ne passait pas. Ce titre était proposé entre la 27ème Lettre et Le Jardin des Désirs et le public en général (85%) qui le choisissait ne comprenait pas son prix élevé et ne tenait pas compte ni de la pagination élevée, ni de la qualité supérieure du papier, ni de celle du cartonnage et encore moins de celle de la reliure.

Madame : « On aurait mieux fait d'en éditer deux albums normaux. »

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut débuter dans le métier ?

Madame : « Change de métier !»

Will : « Tu m'ôtes les mots de la bouche . Mais je dirais d'abord et ce n'est pas facile, c'est d'être certain de faire du bon boulot. J'entends par là, ne pas sortir une planche dont on n'est pas totalement satisfait soi-même. La réussite dans ce métier, c'est à 50% une loterie, mais des Peyo, Morris ont fait un très bon boulot. Il y a quantité de dessinateurs qui en vivent un peu...moi, j'en ai vécu, j'en ai bien vécu mais ne croyez pas que j'ai fait fortune. Je dirais encore de beaucoup travailler et peut-être de s'intéresser un peu plus aux aspects commerciaux du métier que les anciens ne le faisaient. Nous, on était content quand on dessinait et on ne s'intéressait pas au reste. Dans ce métier, comme dans tous les métiers, il faut savoir se vendre. C'est un métier en évolution, il n'y a qu'à voir ces machines, ces ordinateurs. C'est aussi la raison pour laquelle il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Si je prends mon cas, je me suis toujours intéressé à la pub même sans en faire et à la lettre. J'aurais aimé faire du lettrage mais c'est dépassé actuellement. J'ai réalisé le titre de Spirou et c'était juste avant celui de Roba. Je me suis aussi occupé de la mise en page au journal Tintin. Enfin, de s'occuper de tous les métiers artistiques en amont et en aval de celui-ci. »

La meilleure façon d'apprendre ?

Pendant mon apprentissage chez Jijé, je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de fois qu'il m'a félicité. C'est une bonne école et je me disais qu'il avait raison d'être exigeant. Je lui en suis reconnaissant. Pour les jeunes qui viennent chez moi chercher conseil, je les aide en corrigeant leurs planches par des croquis sommaires qui sont plus parlants qu'une longue explication. Mais, je les préviens qu'ils ne doivent pas s'attendre à recevoir des compliments. Je ne le dit jamais méchamment mais beaucoup sont vite déçus.

Où cherchez-vous votre documentation ?

Chez les bouquinistes, on y trouve de très beaux livres en parfait état pour un prix très modique mais par contre, je déteste perdre mon temps à farfouiller. On a parfois besoin d'un livre pour une seule illustration.

Avez-vous déjà emmené Madame à Venise ?

Oui, et c'était vraiment par hasard. En fait nous étions partis en vacances en Yougoslavie, nous avions loué un bungalow en bord de mer c'était très beau mais cela manquait d'ambiance on était entourés de soldats en mitraillette. J'ai même entendus de jeunes allemands chanter des chansons hitlériennes, dans un pays communiste c'était un comble. J'avais à l'époque une Peugeot 404 blanche avec des jantes chromées, elle était tout à fait normale pour ici mais pour là-bas...J'avais voulu faire une vidange d'huile car il me manquait un litre, j'ai été au garage, il y avait un allemand qui me servait d'interprète. Le garagiste a fait ouvrir le capot, puis a refusé de le faire. Nous sommes restés une dizaine de jours et avons décidé de partir à l'aventure. A la frontière, le change des devises n'était pas simple, on était questionné sur les raisons de nos faibles dépenses, le tout avec des gardes en mitraillette. C'est comme cela que nous sommes arrivés à Venise avec les quatre enfants. C'était épique car à l'époque, Laurent n'avait que deux ans. Mais, on ne le regrette pas. Je n'aime pas aller à l'hôtel, il me faut mon indépendance. J'ai d'ailleurs toujours emmené du travail en vacances.

Quel est votre premier lecteur ?

C'est moi ! Non, plus sérieusement, c'est ma femme.

Quelle a été son influence ?

Madame : « Aucune, il modifie quand même toujours ce que je pense qui devrait être modifié. Je n'ai pas à lui dire. C'est un homme, il ne faut pas blesser son orgueil. Un homme est un homme ! »

Will : « Néfaste ! » mais il précise : ses avis sont pertinents quand elle ose en faire.

Avez-vous également un talent de caricaturiste ?

Non, car je ne parviens pas à distinguer les traits marquants d'un visage sauf évidemment si le nez est long comme cela (et d'accompagner le geste à la parole). J'admire les caricaturistes. Morris en fait de très belles avec des traits simples.

Avez-vous fait école ?

Non des gens comme Hergé, Jijé, Franquin ont fait école. Mais malgré son talent Morris n'a pas fait école non plus. Il ne m'est arrivé qu'une seule fois de me faire plagier, il s'agissait d'un remorqueur et c'était reconnaissable parce que j'interprète les documents photographiques.

Que pensez-vous des salles de vente ?

Il y a souvent collusion entre marchands ou entre le commissaire-priseur et ses connaissances. Elles ne respectent pas leurs engagements et ne méritent pas qu'on leur fasse de la publicité. Mais, j'ai acheté ma DS-21 break 7 places en vente publique. C'était le modèle luxe avec les deux petits sièges pliants à l'arrière. Elle avait 6 mois et 25.000 kilomètres. En fait, j'avais faits mes calculs en comparant avec les taxes et ce que m'aurait coûté une neuve chez Citroën et j'en étais arrivé à la conclusion que je faisais une affaire si je parvenais à l'acquérir pour 110.000 francs, j'avais juste pris cette somme avec moi et l'émotion montait avec les enchères. A un certain moment, un marchand fait monter celles-ci à 100.000 francs, j'ai renchéri à 110.000 francs et je l'ai eue !

A propos du public des festivals...

Madame : « Il devient rare de voir des jeunes de 10-12 ans faire la file dans les festivals pour obtenir une dédicace. Si on en voit un ou deux c'est beaucoup! Actuellement, on ne voit  pratiquement plus que des adultes.»

Will : « Je ne me tiens pas au courant des festivals, je ne reconnais jamais les auteurs. Tandis que Franquin, lui, suivait tout cela de près, il me disait « Tiens, tu connais celui-là, il fait cela... ».

A propos des interviews...

De nombreuses interviews sont repiquées ou déformées et c'est comme cela qu'on en arrive à reprendre des erreurs, par exemple, dans le Larousse de Moliterni, on me gratifie d'études faites à Maredsous alors que je n'y ai seulement fait que présenter des examens d'entrée et que j'y ai été recalé. J'étais mauvais en tout...

Vous jouez à la pétanque ?

Non, mais il y a 45 ans j'y ai joué dans le Midi. 45 ans, c'est comme s'il y avait juste 10 ans...La vie passe si vite. Je ne comprends pas les gens qui passent leur vie à gratter, qui hésitent à dépenser... Il faut profiter de la vie !


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