INTERVIEW: Will par G. Ratier dans Hop No 64 en 1994

Est-ce que tu baignais déjà dans un milieu artistique pendant ta jeunesse ?

Non, je suis né à Anthée, un petit village de 350 habitants, une ancienne villa romaine de la région de Dinant, et je suis issu d’un milieu d’artisan: mon père était plombier, installateur de chauffage. Je n’avais rien à voir avec le milieu artistique.

Comment t’est venu alors l’envie de dessiner ?

Comme tous les mômes, je dessinais: j’ai dû commencer vers l’âge de quatre ans; j’étais malade, j’avais attrapé la coqueluche, ce qui était relativement grave, et ma mère m’avait acheté des crayons et du papier pour passer le temps. Depuis je n’ai plus arrêté de dessiner. Je n’étais pas plus doué qu’un autre gosse mais il y en a qui arrêtent et d’autres qui continuent.

Ta rencontre avec Jijé a été déterminante pour ton avenir, comment cela s’est-il passé ?

C’était pendant la guerre et tout était difficile: les transports étaient réduits et suivre des études n’était pas évident. Comme j’avais envie de dessiner, ma mère, qui aimait tout ce qui était dessin, m’a inscrit dans une école d’art à l’abbaye de Maredsous. On pouvait y apprendre des métiers de l’art comme l’orfèvrerie ou la sculpture. L’orfèvrerie me tentait à ce moment-là, mais je n’ai pas réussi l’examen d’entrée. J’ai suivi alors des cours de dessins publicitaires par correspondance: c’est le genre de truc où l’on se fait avoir quand, comme moi, on est trop naïf. Ma mère est allé voir un professeur d’une école de dessin à Dinant et lui a montré mes dessins publicitaires qui étaient franchement moches. Il lui a dit qu’il n’enseignait pas ça mais qu’il connaissait quelqu’un qui pourrait peut-être me prendre: il s’agissait de Jijé. C’était un coup de chance incroyable; sans cela, je pense que je n’aurais jamais continué étant donné les circonstances de l’époque. J’ai donc été trouver Jijé avec mon père. Il a proposé de me garder quinze jours à l’essai... et j’y suis resté!

Qu’est-ce qu’il te donnait comme conseils ?

J’ai appris mon métier chez lui, mais il m’a tout d’abord communiqué l’ABC du dessin. Je ne savais rien du tout et il m’a montré comment voir juste. En plus c’était un type universel, il faisait aussi bien de la gravure sur bois que de la sculpture ou de la peinture. J’ai tout fait avec lui, sans réaliser de BD, jusqu’à l’âge de 20 ans. C’est à ce moment-là qu’il est parti pour les Etats-Unis. Un peu avant son départ, comme il fallait que je gagne ma vie, j’ai commencé une BD: " Le mystère du Bambochal ".

Pourquoi as-tu édité cette histoire à compte d’auteur ?

Parce que Dupuis n’en a pas voulu! Nous l’avons alors publiée avec un cousin qui était un petit imprimeur de village, sous le label des éditions du Ménestrel. Nous avons essayé de vendre ça par correspondance, en mettant des annonces dans des journaux locaux, nous étions vraiment naïfs! Heureusement le cousin en question s’est souvenu d’un gars de l’AMP (Agence des Messageries de la Presse) avec lequel il avait été prisonnier pendant la guerre. Nous l’avons contacté, nous avons été distribué et, à partir de là, cela s’est bien vendu. Nous l’avions tiré à 15000 exemplaires!

C’était donc ta première bande dessinée ?

Oui, jusque là je n’avais réalisé que des cartoons ou des illustrations pour " Bonnes Soirées " ou " Le Moustique ". Quand Jijé est parti aux USA, j’ai travaillé très peu de temps, deux ou trois mois chez Georges Troifontaines pour la World’s Presse. C’était une agence de publicité où j’exécutais des petits dessins, des illustrations pour les petites annonces, etc... Cela m’a surtout permis d’y rencontrer Jean-Michel Charlier qui travaillait sur les débuts de " Buck Danny " avec Victor Hubinon.

Est-ce que c’est le " Mystère du Bambochal " qui t’a ouvert les portes de chez Spirou ?

A Spirou, ils avaient refusé cette histoire mais j’avais été voir Hergé avec qui j’ai eu de bons contacts. Il avait même été question que je travaille avec lui sur " Tintin " quand il a recommencé certains albums, mals cela ne s’est pas jamais fait. Il voulait également que je travaille à l’hebdomadaire " Tintin " mais il y avait un projet de loi, en France, qui aurait obligé tout journal paraissant dans ce pays, d’avoir au moins 55 % de collaborateurs français. C’est pour cela qu’il a employé des gens comme Le Rallic ou Heuville. Hergé m’a donc demandé d’attendre et quand Dupuis a appris cela, il m’a proposé de reprendre " Tif et Tondu ". Voici comment je me suis embarqué dans cette aventure!

Tu as rencontré Fernand Dineur, le créateur de cette série, qui au début a écrit les premiers scénarios de ta reprise ?

Il ne voulait plus continuer mais lorsque je l’ai rencontré il m’a proposé de faire le scénario. Je le voyais très peu, il m’envoyait seulement ses textes. C’était un ancien colonial, je crois qu’il était commissaire de police au Congo Belge avant de faire des BD, c’est assez rigolo. C’était quelqu’un d’une autre époque, on ne peut pas le critiquer. Moi même quand je lisais Dineur, juste avant-guerre, au début de Spirou, cela ne me choquait absolument pas. Il était quand même assez pointilleux sur certaines choses. Il fallait que je respecte la façon dont il faisait les cheveux, la barbe, les pointes... Un jour, il avait même compté les pointes des cheveux de Tondu et m’avait dit de ne pas trop en faire! Par la suite, Luc Bermar, qui était professeur de français et le frère de Jijé, m’a écrit le scénario du " Trésor d’Alaric ". Puis Albert Desprechins, qui signait Ben, a fait " Oscar et ses mystères ".

Puis est arrivé Maurice Rosy avec des histoires plus grandes aventures, moins loufoques, qui n’ont pas vieillies du tout, qu’en penses-tu ?

Oui, Rosy était un type assez génial, il l’est resté d’ailleurs! C’était l’homme à tout faire de chez Dupuis: gagman, metteur en page, producteur de dessins animés, directeur artistique... Il y avait chez lui de la fantaisie et une certaine poésie. On me demandait encore tout à l’heure comment pouvait bien fonctionner le mécanisme du robot dans " Le réveil de Toar " ? Mais à l’époque, Rosy ne se préoccupait pas de savoir si c’était plausible ou pas, pour lui c’était du rêve et puis c’est tout!

A l’arrivée de Rosy au scénario, tu échappes à l’influence du trait de Dineur, pourquoi ce changement de style ?

Le changement a été assez progressif, on ne change pas comme cela du jour au lendemain. On me signale souvent que cette évolution date de ce moment-là, mais je ne m’en rends pas très bien compte moi-même.

On retrouve " Tif et Tondu " dans de courts épisodes pour le journal " Risque-Tout ", gardes-tu de bons souvenirs de cette époque-là ?

Oui, " Risque-Tout " c’était l’enfant de Rosy mais c’était trop tôt pour ce genre de publication en grand format. Dupuis a tenté le coup et quand cela a commencé à marcher ils ont arrêté les frais. Mais c’est vrai que c’était une époque fabuleuse où les gens étaient beaucoup moins compliqués que maintenant, c’est principalement ce que j’en retire. Je ne dis pas qu’on ne se cassait pas la tête, au contraire on faisait son boulot en essayant toujours que ce soit pour le mieux, mais c’était différent.... On s’amusait beaucoup avec Jijé, Franquin, Morris, Peyo... Alors que ce n’est aussi évident maintenant: je vois des gens qui prennent la BD un peu trop au sérieux et parfois cela devient trop intellectuel.

En 1957, tu vas travailler avec Franquin sur les décors d’un épisode de Spirou: " Les pirates du silence ". Comment s’est passé cette collaboration ?

A l’époque j’étais jeune et je vivais dans une pension de famille où j’avais une chambre. Franquin qui rentrait des USA est venu habiter dans cette même pension et il venait travailler avec moi. Quand il s’est marié, j’ai continué à aller dessiner chez lui. Il m’a alors demandé de faire ses décors, mais je ne sais plus pourquoi. D’autres dessinateurs ont travaillé avec lui mais ce sont des gens qui sont arrivés plus tard et qui, d’ailleurs, correspondaient plus à son style. C’est le cas de Jidéhem qui a fait une grande partie des " Gaston ". Moi je dessinais comme cela me venait, j’apportais mon décor, c’est tout. J’aurais été incapable de me couler dans un moule comme l’a fait Jidéhem, ce n’est pas dans mon tempérament.

Vers l957, tu réalises " Lili Mannequin ", avec René Goscinny, pour " Paris-Flirt ". Comment se passait ce travail avec le scénariste d’Astérix ?

Il ne travaillait pas d’une façon différente des autres, il m’envoyait simplement ses scénarios par la poste et il n’y avait aucun problème. J’ai aussi illustré ses textes pour la série fétiche du journal " Record ". Malheureusement, cela n’a pas fait le, tabac d’Astérix, j’aurais pourtant bien aimé! Comme quoi, les grosses vedettes ne font pas toujours des succès! En ce qui concerne " Lili Mannequin " je n’en ai plus aucune trace, même pas une coupure de presse!

Tu as également illustré des jeux dans " Record " avec une autre grosse pointure: Jean-Michel Charlier. As-tu, toi aussi, subi ses retards ?

En fait c’est Charlier qui s’est souvenu de moi pour " Record ". A ce moment-là il fallait dessiner un titre et trouver les personnages de " Record et Véronique ". J’ai réalisé une première page pour la BD écrite par Goscinny, et Charlier m’a demandé d’illustrer les jeux qu’il inventait pour ces mêmes personnages. C’était toujours à la dernière minute et je devais régulièrement lui téléphoner pour lui dire que j’étais à court de textes. Il me répondait invariablement qu’il m’avait pourtant envoyé des pages et que cela avait dû s’égarer, mais qu’il allait m’expédier les doubles aussitôt. J’en parlais alors à Goscinny qui m’avait répondu: " Tu sais, Jean-Michel, il n’envoie jamais que des doubles! ". C’est une excuse qu’il donnait un peu à tout le monde! quand " Pilote " s’est créé, j’avais déjà pensé travailler pour Goscinny et Charlier. J’avais été voir Charlier mais il ne voulait pas tirer dans le dos de Dupuis pour qui je travaillais et il m’a demandé de prévenir ce dernier. C’est ce que j’ai fait et Dupuis m’a carrément empêché de dessiner pour " Pilote ". Il fallait que je choisisse, c’était " Spirou " ou " Pilote ", mais pas les deux!

Pourquoi as-tu interrompu " Tif et Tondu " en 1958 ?

A ce moment-là, j’en avais un peu marre de la BD. Or il s’est trouvé que les éditions du Lombard voulait changer le look du journal " Tintin ". Franquin, qui travaillait pour eux sur " Modeste et Pompon ", leur a proposé de me confier ce travail. Raymond Leblanc est venu me chercher et j’ai accepté. C’était un boulot qui me plaisait bien mais j’ai quand même déchanté assez vite, parce qu’entre ce qu’on rêve de faire et ce qu’on vous permet de faire, il y a une grosse différence. On doit respecter certaines valeurs, comme la publicité, qui viennent foutre en l’air ce que l’on a réalisé! J’ai toujours été quelqu’un de très libre, sans contraintes, et là il a fallu que je m’achète un costume, une chemise blanche et une cravate, c’était comme cela au Lombard! Et puis la pire des contraintes c’était les horaires: j’arrivais et à midi tout le monde arrêtait, ils reprenaient à l4 heures et terminaient à l8 heures, comme au Ministère! J’ai fait cela pendant deux ans mais je n’en pouvais plus! A l8 heures c’était fini, même s’il restait du boulot. Il aurait été plus logique de travailler jusqu’à minuit et, par exemple, ne pas venir le lendemain. Il faut une certaine liberté dans une telle action.

Qu’est-ce que tu y faisais exactement, tu conseillais les auteurs?

J’étais directeur artistique, donc je recevais des gens qui me présentaient des dessins. C’était moi qui les acceptait ou qui les refusait, mais pas ceux des auteurs confirmés, évidemment. Si un type vend 200.000 albums tu ne peux pas le démolir! Je choisissais aussi la mise en page, les caractères, le graphisme du journal, etc...

En 1960, tu reviens à " Spirou " avec " Eric et Artimon ", tu avais envie de créer quelque chose de nouveau ?

Oui, mais j’ai toujours eu un problème avec Dupuis car il me disait que je pouvais faire ce que je voulais à condition que je continue " Tif et Tondu ". Ce qui fait que je n’avais jamais le temps de pousser un projet vraiment à fond. C’est dommage car Vicq était un gars très talentueux, il avait beaucoup d’idées mais il était un peu trop farfelu. Il avait une vie de bâtons de chaises et on m’a dit qu’il était mort, mais personne ne sait vraiment ce qu’il est devenu.

Entre-temps tu as aussi travaillé avec Peyo pour " Le Soir Illustré " sur " Jacky et Célestin ", comment se répartissait votre collaboration ?

Au départ, Peyo devait dessiner les personnages mais en fin de compte c’est moi qui ai tout fait, sauf le scénario. Peyo était déjà quelqu’un de très occupé.

En tait tu as rarement fait de la BD seul, pourquoi avoir toujours eu recours à des scénaristes ?

Je ne me sens pas une âme de scénariste, ce n’est pas mon métier! Les gens trouvent ça bizarre alors que c’est comme si on demandait à un scénariste de dessiner: ce sont deux métiers différents. Mais c’est vrai que, quand j’ai débuté, j’étais un peu l’exception, car les Franquin, Morris, Jijé, Peyo, ou autres Macherot, réalisaient scénarios et dessins.

Par la suite Peyo te propose de travailler avec lui sur " Benoît Brisefer ", quelle était ta tâche ?

Je réalisais les décors et quelques personnages.

Tu dessines aussi quelques mini-récits pour " Spirou ", une des animations les plus réussies de l’hebdomadaire, est-ce qu’aujourd’hui encore on te demande de participer activement à la vie du iournal ?

Oui, mais cela ne m’intéresse pas tellement. Ceci dit, les mini-récits c’était très chouette. Il y avait le côté bricolage qui permettait de construire un bouquin et de constituer sa petite collection, en plus c’était impeccable comme banc d’essai pour les jeunes auteurs.

Quand Rosy décide d’arrêter " Tif et Tondu " est-ce toi qui a pensé à Tillieux pour la suite de cette série ?

Oui, c’est moi qui ait proposé à Maurice Tillieux de reprendre les scénarios, mais je ne sais plus comment cela s’est fait exactement, si quelqu’un me l’a conseillé ou si j’y ai pensé tout seul.

Après le décès de Tillieux, Stephen Desberg, qui s’était formé avec lui, prend le relais. Après des années de collaboration vous avez décidé d’arrêter " Tif et Tondu ". Pourquoi?

Desberg en avait plutôt marre et comme j’avais beaucoup de travail entre les " Aire Libre " et " Isabelle ", j’ai décidé de ne plus me consacrer à " Tif et Tondu ".

Pourtant, si " Isabelle " semble appréciée par les critiques, bizarrement elle ne marche pas si bien auprès du grand public. Comment expliques-tu cela ?

Je ne sais pas... Elle vient encore d’avoir un prix à Montréal, et je suis persuadé qu’il y a un public pour ce genre d’histoires, que l’on ne me dise pas que c’est trop intellectuel, cela me fait rigoler car c’est une lecture à deux niveaux et je connais des mômes qui adorent cette série. Evidemment il y a des choses qui leur échappent mais il y a une trame classique, une histoire, une aventure que les jeunes aiment bien. On me dit que cela ne se vend pas mais ce que je constate c’est qu’on ne les trouve nulle part! Là, il y a un effort à faire! Dernièrement je suis allé dédicacer au Mans, il y avait un monde fou et le libraire n’avait qu’un album de chaque titre d’Isabelle. Je lui ai demandé comment cela se faisait et il m’a répondu qu’il s’était fourni auprès des dépositaires de la région et que c’était tout ce qu’il avait pu avoir, Il aurait pu en vendre au moins 200... Je ne veux pas dire que c’est l’unique raison mais c’est quand même curieux. Quand je raconte ça à mon éditeur, il prétend que ce n’est pas possible, moi je veux bien...

Comment s’est passé la création de cette série ?

Au départ c’était une histoire de quelques pages pour un numéro spécial de " Spirou ", écrite par Yvan Delporte. " Isabelle " s’appelait alors Catherine et elle était accompagnée par un petit garçon du nom de Bernard. Ce n’est que par la suite que nous avons décidé d’en faire une série avec Raymond Macherot qui aidait Delporte au scénario. C’est lui qui avait donné ce côté merveilleux. Plus tard, André Franquin s’est rajouté, Macherot ne s’en occupait plus mais nous avons gardé son nom au générique par reconnaissance. Avec Franquin nous avons poussé encore plus loin le côté fantastique et puis il y a encore eu une interruption. C’est Philippe Vandooren, qui aime beaucoup cette série, qui m’a demandé de la reprendre.

Franquin est-il intervenu graphiquement ?

Non, pas vraiment, j’étais seul pour le dessin, mais Franquin faisait de la mise en page, il réalisait des petits croquis sur des feuilles de papier machine pour mettre les textes provisoires qui permettaient à Delporte de s’y retrouver.

Avec Desberg, tu as fait une parodie de " L’Oncle Paul " qui s’appelait " L’Oncle Jules ", n’as-tu jamais eu l’intention de poursuivre cette série de récits complets ?

Si on n’est pas plus encouragé par l’éditeur, il n’en est pas question! Mais je voudrais bien réunir ce qui s’est déjà fait dans un album, il faudra que je m’y mette un de ces quatre!

Ton fils Eric a participé à ces histoires ainsi que sur un épisode de " Tif et Tondu ", pourquoi l’avoir utilisé ?

Pour " Tif et Tondu " c’est parce que j’en avais marre, il y avait une histoire qui m’embêtait et Eric faisait tout ce qui m’embêtait!

En ce qui concerne les décors de " L’île d’outre-monde ". une aventure de " Natacha ", pourquoi Walthéry est-il venu te chercher?

François Walthéry travaille avec des tas de gens et il savait très bien que c’était le genre de décors dans lesquels je suis à l’aise. C’est pour cela qu’il m’a demandé ce travail et non à un autre. Je me suis très bien amusé d’ailleurs.

Tu as réalisé un album publicitaire pour Air France, est-ce un créneau intéressant ?

Cela m’a rapporté un peu d’argent mais c’était assez embêtant à faire. C’était un album qui était destiné au personnel d’Air France, il fallait donc que tout soit respecté au détail près. Par exemple, j’avais dessiné une hôtesse avec la veste entrouverte et il a fallu que je recommence en boutonnant la veste, alors que quand tu vas dans des aéroports, elles ont toutes la veste ouverte. Je ne devais pas non plus les représenter avec des cheveux longs, etc...

En 1988, tu t’attaques à la BD adulte dans la collection " Aire Libre " de chez Dupuis. D’où est venue cette envie de changer de public ?

Oh, ce n’était pas spécialement adulte, juste un tout petit peu coquin, ce n’était pas bien méchant... J’avais envie de faire autre chose, c’est certain! C’est très gai de dessiner de belles nanas et d’utiliser la couleur directe.

Tu enchaînes avec un deuxième " Aire Libre ": " La 27e Lettre " avec un discours plus dur, plus intellectuel peut-être ?

Oui, si l’on veut, c’était surtout dans la façon de présenter les choses. Je suis revenu à plus d’humour dans l’album pour P et T productions: " L’Appel de l’Enfer ".

As-tu d’autres projets dans le même style ?

Pour l’instant, non: je vais faire autre chose mais je me tâte encore...

Tu as réalisé de nombreuses illustrations mais tu pratiques aussi la peinture, quel est ton style ?

C’est " mon " style, il n’a pas de rapport avec ce que je fais en BD mais parfois les gens y trouvent des parentés.

Quel est le scénariste actuel avec qui tu aimerais travailler, hormis Desberg, bien entendu ?

Il y en a un qui est très bon, c’est Van Hamme, mais je ne sais pas si je pourrais travailler avec lui, il faut aussi pouvoir s’accorder. Van Hamme est assez cartésien, il envoie le scénario tout prêt à être dessiné, ce n’est pas que je collabore tellement mais j’aime quand même pouvoir dire non. Sinon j’apprécie des scénaristes comme Yann, Serge Le tendre...

N’aurais-tu pas voulu faire autre chose que dessinateur de bandes dessinées ?

Non, c’est évident! Ou alors un métier où je puisse dessiner! J’ai de la chance de faire un métier où je ne m’embête pas alors que la plupart des gens passent leur vie à s’emmerder au boulot. Je ne dis pas qu’à certains moments je n’en ai pas un peu marre. C’est comme pour tout le monde, il y a des périodes creuses avec des choses que l’on n’a pas trop envie de faire.