La Hulpe, terre d’accueil d’un poète et d’un dessinateur

Déjà 50 ans de bandes dessinées pour Will !

Jijé (Spirou) l’estimait très doué pour le dessin mais préférait sa peinture. Pour Morris (Lucky Luke), il est incapable de dessiner quelque chose d’inesthétique. Roba (Boule et Bill), son vieil ami, le voit comme un rocker sur une colline de Provence et souligne son sens de l’hospitalité. Walthéry (Natacha) avoue que c’est lui qui lui a appris à dessiner les filles (1).

Will (Willy Maltaite), c'est un peu tout cela. Mais c'est surtout l'un des dinosaures de la bande dessinée belge qui fête aujourd'hui ses 50 ans de planches! Et c'est à La Hulpe, où il habite depuis 1960 une maison blanche près de la gare et faisant penser à celles qu'il dessine, qu'il fêtera l’événement ce week-end en exposant une trentaine de ses dessins et peintures (2). Pour juger de ses qualités artistiques, c'est suffisant. Mais pour apprécier l'homme, son humilité, sa chaleur, son hospitalité et celle de son épouse, il faut arrêter le temps et l'écouter. De préférence près d'un feu qui crépite.

– C’est à Jijé (Joseph Gillain) que je dois tout. J’avais 15 ans et ne connaissais rien quand je l’ai rencontré. Lui tenait seul le journal de Spirou. Il m’a appris le dessin, la couleur, la sculpture... A la fin de la guerre, quand il est allé habiter Waterloo, il nous a hébergés, Franquin, Morris et moi. Nous travaillions ensemble, faisions des blagues et sortions. Il y avait une terrible ambiance ! J’étais le gamin...

En 1946 survint sa première publication dans « Hebdo », deux ans avant qu’il auto-édite sa première BD, « Le mystère de Bambochal». Puis vint la reprise de Tif et Tondu, personnages créés en 1938 par Fernand Dineur et qui entraîneront Will à travers 39 albums. Un bail de 40 ans en compagnie de quatre scénaristes : Dineur, Rosy, Tillieux et Desberg. Voici 5-6 ans, il décida de céder la série.

– C’est déjà parce que j’avais envie de dessiner autre chose que j’ai créé vers 1968 le personnage un peu plus magique d’Isabelle qui a donné lieu à une dizaine d’albums. Et c’est pour la même raison que j’ai abordé récemment avec Desberg la BD pour adultes. Avec «Le jardin des désirs, La 27è lettre et L’appel de l’enfer » .

S’il peut aujourd’hui dessiner selon ses fantaisies, Will regrette l’époque où les auteurs travaillaient en équipe. Les temps ont changé. Les candidats se bousculent aux portillons. Chacun pour soi... Si je peux donner un conseil à un jeune, c’est d’être le meilleur. Et encore, ce n’est pas garanti...

Petite pensée fière pour son fils aîné Eric qui a dessiné seul son chemin dans la BD et qui est parti habiter en Espagne. Willy et Claude Maltaite, eux, restent fidèles à La Hulpe. Même si le quartier est un peu plus bruyant.

 

Même s'il a arrêté la série, Will reste l'homme de Tif et Tondu.

N'a-t-il pas un peu la tête des deux héros confondus? 

Photo Paul Joachim

Ch. S. dans LE SOIR du 8 mars 1996

(1) Témoignages recueillis dans « Will », album magnifiquement illustré paru aux Editions Concerto (1994).
(2) A la maison communale, samedi et dimanche, de 11 à 18 heures.