Le témoignage de Will
Les copains d'abord!
J'ai une mémoire, malheureusement elle n'est pas très
bonne.
Mais je me rappelle avoir commencé à dessiner pour la FSC dans Plein-Jeu après
la guerre.
En 1948-1949, nous vivions, Franquin, Morris et moi, dans le studio de Jijé à
Waterloo. C'était la grosse rigolade. Plein-Jeu a été mon premier travail,
mais je travaillais aussi pour une autre revue. Je ne faisais pas encore de BD.
J'en ai commencé une à peu près à ce moment-là, après le calendrier, je
crois. Je l'ai éditée moi-même parce que Dupuis n'en avait pas voulu.
Gillain, Franquin et Morris sont partis aux Etats-Unis. J'ai commencé Tif et
Tondu à cette époque. Si mes souvenirs sont bons, c'est Franquin qui m'a refilé
Plein-Jeu. Et comme on lui avait demandé de dessiner pour le calendrier, il a
introduit toute la bande. On nous a demandé de dessiner des gags en rapport
avec les badges. Pour trouver les idées, on discutait ensemble. On a fait tout
cela à Waterloo. A l'époque, on regardait beaucoup les revues américaines
parce qu'il n'y avait pas grand-chose ici. Le Saturday Evening Post avec les
superbes dessins de Norman Rockwell, c'était fabuleux. Mad, également, le
magazine de la Madison Avenue, l'avenue des publicitaires. Cette revue a
beaucoup influencé Goscinny. C'est ce qui a fait qu'il a un peu rué dans les
brancards quand il a commencé chez Pilote.
Mais ni Morris ni Franquin ni moi n'avions été scouts. Non, moi je viens de la campagne, d'un petit village de 350 habitants où il n'y avait pas de scouts, Quand j'étais môme et que je voyais venir des scouts dans mon village avec leurs feux, cela me faisait envie. Pour un gosse qui voit ça, c'est chouette. Mais les uniformes, je ne les aime pas trop.
Notez que pour l'époque, en 1948, le calendrier était déjà bien imprimé. C'était quand même de l'aquarelle reproduite plus ou moins correctement. Alors que chez Dupuis, l'impression était encore assez misérable. C'était pas mieux imprimé qu'un quotidien. Les couleurs étaient affreuses. Actuellement, on peut faire beaucoup plus, à tous les niveaux. Quand on voit la mise en page, la façon dont le calendrier est conçu, c'est chouette, tout a progressé. Je pense qu'à la FSC, Bernard Vanderheijden y est pour quelque chose. A présent, les calendriers sont plutôt à thème. En 1972, on m'avait donné les sujets. Je crois qu'il était obligatoire de dessiner des gags avec des scouts. Si je me rappelle bien, je traitais les affaires avec un gars des Ardennes qui a quitté la FSC pour élever des truites avec son père !
Dans les années soixante, je me rappelle avoir dessiné une chaire de vérité pour un calendrier de Peyo. Cela m'est arrivé plus d'une fois de travailler pour des copains. Pour Peyo, Franquin. Toujours occasionnellement pour un album. C'est dans le même sens que cela s'est fait pour le calendrier. J'ai toujours essayé de faire des décors parce que j'aimais bien. Mais malgré tout, en bande dessinée, on était limité, compte tenu de la règle des 12 images par page. La page était divisée en 4 bandes de trois images, parfois deux. J'ai débuté avec cinq bandes, donc avec 15 images auxquelles il fallait ajouter le texte : il ne restait pas beaucoup de place pour le décor. Aujourd'hui, les choses sont différentes, le décor a pris plus d'importance.
Moi, j'aime bien peindre. J'aime beaucoup la couleur. Alors, évidemment quand l'occasion se présente... Dans Les douze merveilles du monde, j'ai représenté un paysage du sud de France. Ce calendrier a été imprimé en couleurs directes, J'ai toujours aimé cette technique mais ce n'est pas toujours réalisable. A l'époque, c'était une catastrophe.
La technique présente quand même beaucoup plus de risques. Enfin, aujourd'hui les papiers sont meilleurs, les machines plus performantes mais il y a encore parfois des problèmes de décalage. J'aime faire des travaux un peu différents. Cela me sort de la BD. Je ne suis pas enserré dans une succession d'images mais quand même tenu à une certaine rigueur technique, A la limite, le dessin est même différent. Mais le dessin a quand même un côté BD. On ne peut pas dire que cela ne ressemble pas à ce que je fais dans la BD. Tous les dessinateurs que j'ai connus aimaient faire cela. A cause de la qualité, et avec Bernard Vanderheijden, c'était une raison de plus de collaborer au calendrier FSC.
Dessiner dans les magazines scouts, c'était très chouette pour un débutant, Ce n'était pas la question que l'on ne trouvait pas de boulot, mais il y avait des tas de choses à dessiner dans un délai très court. C'était donc rentable bien que mal payé.
Je ne me suis jamais servi du calendrier FSC comme carte de visite pour ma carrière. Mais je suppose que si le travail est bon et vous allez chez un éditeur, c'est automatiquement un label.
Franquin, Morris et moi-même étions débutants, Mais attention, Hergé était déjà connu lorsqu'il a dessiné pour le calendrier scout. Jijé était un pilier de la BD, il était notre professeur. Les choses n'ont pas tellement changé à ce niveau-là.
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