Will-le-Tendre... Avec sa gueule de pirate, de bandit de grands chemins, admirablement croquée par Franquin, il donne le change. Mais les petites rides en pattes d'oie, au coin des yeux, trahissent son sens de l'humour. Le dessin, ici, est de lui. Il représentait Tif soulevant des haltères. C'est Charles Degotte qui a quelque peu trafiqué cette image, pour illustrer le titre.

Vous n'avez qu'à faire l'expérience, ça ne rate jamais: chaque fois que quelque part, n'importe où, on se met à parler bandes dessinées, dessins et dessinateurs, il se trouve toujours quelqu'un – toujours ! – pour lancer, à un moment ou à un autre: « Et Will, hein? Aaaaaah ! Will... » Car Will, c'est une espèce de monument, de référence, de point de repère, de cas unique, de cas tout court. Il fait partie, sans aucun doute, des grands bonshommes de la bédé. De ceux qui lui ont réellement apporté quelque chose, qui ont inventé une façon de dire, de dessiner, ce qui revient au même. Ce sont les Jijé, les Franquin, les Morris, les Macherot. Pour ne parler que de ceux-là.

Il est unique, Will, tout simplement. Cherchez toujours quelqu'un dont la griffe ressemblerait à la sienne, vous verrez bien. Bon voyage, et à dans longtemps ! Observez donc le trait de Will. C'est formidable. Observez son coup de patte. Formidable. Observez ses décors. Vraiment formidable. Will, c'est tout ça ensemble.

Son premier « Tif et Tondu », La Cité des Rubis, date de 1949. Il y a de cela trente albums, sans compter ceux qu'il a faits pour d'autres séries. Tout au début, il possédait déjà cette manière de simplifier, de styliser. voilà le mot: style. Will, c'est le style. Une sorte d'élégance efficace, très forte, qui n'appartient qu'à lui. Marier l'élégance à la force, il fallait le faire, non?

Il en fait bien d'autres! Isabelle, par exemple. Cette petite fille-là, avec ses cheveux d'or roux, son petit chignon, son petit nez retroussé, cet air de ne jamais se frapper en dépit des choses sidérantes qui ne cessent de lui arriver. Isabelle, véritable rayon de soleil (trop rare) dans les pages de Spirou. C'est du Will, ça aussi. Poésie et tendresse...

Aaaaaaah, Will! 

dans Spirou No 2339 le 10 février 1983