UNE VERITE ENFIN RETABLIE

Il me revient que de nombreux lecteurs s'adressent à la rédaction du journal de SPIROU, s'inquiétant de certains points de nos biographies, à Tif et à moi-même.

L'une des questions qui revient le plus souvent, est la suivante :

QUE FONT TIF ET TONDU ENTRE DEUX DE LEURS AVENTURES ?

 La réponse est limpide : Tif fait comme Will, c'est-à-dire RIEN. Tandis que moi, triste victime, je veille au grain. Réfléchissez un instant. Moi qui ne songe qu'à mener une existence paisible, sans déranger personne, ne faut-il pas qu'un ahuri vienne casser ma baraque ?

Le lecteur pardonnera cette image audacieuse, mais il comprendra qu'avec Tif, elle prend toute sa dimension et qu'il faut la prendre à la lettre.

Si, entre deux aventures, je passe mon temps à revoir les comptes, réparer la plomberie, arroser les plantes, repeindre les châssis de fenêtres, passer l'aspirateur, donner à manger aux chats, faire la vaisselle, reboucher les fissures dans le plafond, tailler les rosiers; bricoler une étagère et autres galimatias, Tif n'a rien de plus intelligent à faire que de nous lancer dans des situations périlleuses, où je risque à chaque fois la vie.

En une trentaine d'années de vie commune, j'ai risqué quelques fois le peloton d'exécution, la noyade, l'électrocution, la pendaison, la chute au fond de gouffres insondables, la désincarnation et l'ongle incarné.

Il s'en est fallu de peu que M. Choc n'ait ma peau. Je connais par coeur toutes les possibilités d'accidents de la route.

On a failli m'enrôler à vie dans une demi-.douzaine d'armées du monde entier. Les monstres les plus sinistres ont manqué me dévorer tout cru.

Je ne peux visiter le musée du Louvre ou la ville de New York sans qu'une catastrophe ne s'abatte sur ma tête. Des vacances en bord de mer s'achèvent immanquablement en cauchemar. La plus innocente poupée, fût-elle ridicule, en veut à ma vie.

Jeté-je un regard innocent vers le fond d'un abîme qu'il en sort Dieu sait quoi.

Les morts ressuscitent, les félons passent les murailles : on n'en finirait pas d'énumérer mes malheurs. Tout cela, lorsque Monsieur Tif m'accompagne:

A se demander pourquoi les auteurs intitulent encore cette espèce de gymkhana

"Les Aventures de Tif et Tondu ". C'est moi qui fais tout le boulot ! D'ailleurs, quand je suis seul, il ne m'arrive jamais rien.

NDLR. L'article de M. Tondu s'achève de manière assez abrupte. L'explication en est simple. Au moment de taper la dernière lettre, celle-ci s'est détachée du clavier et s'est projetée dans l'oeil de M. Tondu qui, de douleur, s'est levé brusquement, heurtant de la tête un rayon de bibliothèque, dont les lourdes encyclopédies ont chu sur son pied gauche. 

M. Tondu, en clopinant et quelque peu aveuglé, s'est dirigé vers la fenêtre, qu'il a prise pour la porte, et est tombé dans le massif de dahlias fraîchement plantés, un étage plus bas.

De son lit d'hôpital, M. Tondu nous adresse son plus cordial bonjour.